Devant son nom à l'occitan « bosco cavo » qui signifie littéralement « bois creux », le lieu-dit de Boschaud se situe à l'ouest de Villars en limite de la commune de Quinsac et, si l'endroit est localement bien connu des chercheurs de champignons, il l'est encore plus par les amateurs d'art roman qui peuvent y visiter et admirer les ruines d'un remarquable ensemble monastique du XIIe siècle.
Par l'organisation de son plan, la sobriété de son architecture aux lignes pures dénuées de surcharges ornementales et sa situation dans un vallonnement boisé et isolé, l'abbaye de Boschaud constitue une parfaite illustration de la tradition cistercienne bien que ne se trouvant pas auprès d'un cours d'eau comme la grande majorité de ses homologues obéissant à la règle de Cîteaux. Ses origines sont peu documentées mais il est généralement admis qu'elle a été bâtie, pour l'essentiel, de 1154 à 1159 sur l'emplacement d'un ermitage fondé par l'anachorète Foulques, frère de Géraud de Sales, le fondateur des monastères de Cadouin en Dordogne et des Châtelliers (1) dans les Deux Sèvres, cette dernière étant l'abbaye mère de Boschaud.
Adoptant la configuration conventionnelle, pour ne pas dire réglementaire, des monastères cisterciens, l'abbaye se composait d'une église orientée et de bâtiments conventuels organisés autour d'un cloître flanquant la nef de l'église au sud et auxquels s'ajoutaient, à l'est, divers bâtiments « hors clôture liturgique ».
L'église, qui adopte un plan en croix latine et dont la nef unique était, comme la croisée du transept, couverte de coupoles sur pendentifs caractéristiques de l'art religieux périgourdin, déroge à la tradition du plan bernardin par la conception de son chevet présentant, au lieu d'une abside sur plan carré, un chœur à abside semi-circulaire couverte en cul de four, parti également adopté pour les absidioles ouvrant sur les branches du transept, ces dernières étant voûtées en berceau brisé. Ce plan de chevet n'a toutefois rien d'exceptionnel et correspond à des usages architecturaux locaux. L'abside du chœur est éclairée par trois fenêtres en arc plein cintre, et, sous la fenêtre centrale, la seule à posséder un décor de colonnettes, se trouve, dans l'épaisseur du mur, une niche décorée de 8 arcs trilobés en bas-relief et qui aurait contenu la relique d'un saint quelquefois qualifié de martyr sans qu'on en sache plus sur son identité et sa vie. Dans cette abside, comme dans les absidioles, on remarque la présence d'un lavabo liturgique (ou « piscine »), vasque insérée dans une niche en arc plein cintre encadrée de colonnettes. La coupole de la croisée du transept qui a été reconstituée à l'identique par la Conservation Régionale des Bâtiments de France à la fin des années 60 après son effondrement au cours de la même décennie, repose sur une base circulaire en quart de rond de 5 m de diamètre environ, elle-même supportée par quatre arcs brisés à rouleau délimitant les pendentifs et retombant sur des corbeaux ancrés dans les piles d'angles. Elle est percée, à l'est, d'un occulus d'éclairage et elle est surmontée, à l'extérieur, par un massif de plan carré de faible hauteur ayant abrité les cloches et sans doute coiffé d'un toit à 4 pentes. Le croisillon sud est pourvu d'une porte percée dans son mur occidental donnant sur la galerie du cloître, une autre porte permettant la circulation avec la sacristie au sud alors que dans le croisillon nord il n'existe qu'une porte, elle aussi percée dans le mur occidental, ce qui laisse supposer qu'il y avait, sur ce côté de la nef, d'autres bâtiments ou autres espaces liturgiques. De la nef, il ne reste qu'une élévation partielle de la travée succédant à la croisée du transept et qui se compose du mur nord, d'une partie du mur sud et de trois des piliers d'angles supportant une coupole dont il ne subsiste qu'un peu plus de la moitié. Elle comportait, selon les analyses des différents commentateurs, deux travées, hypothèse la plus vraisemblable, mais peut-être trois, voire quatre, l'existence de trois travées pouvant également être retenue, la longueur de la nef correspondant généralement à la longueur de la galerie du cloître qui lui est accolée. En tout état de cause, une nef à quatre travées semble devoir être exclue en raison de la configuration du terrain.
Des bâtiments conventuels contemporains de l'église, il demeure principalement les quatre murs d'une construction sur plan rectangulaire édifiée en prolongement du croisillon sud et fermant le cloître à l'est. Il abritait la sacristie, l'armarium, la salle du chapitre et le parloir, ce dernier communiquant à la fois avec le cloître et l'extérieur de la clôture par deux portes en vis à vis. À l'étage se situait le dortoir des moines, éclairé par d'étroites fenêtres tant à l'est qu'à l'ouest et auquel on accédait par un escalier toujours visible entre la sacristie et le chapitre. Un autre escalier partant de la sacristie, conduit à une petite salle semi-enterrée voûtée en berceau brisée qui pouvait être un oratoire ou un local abritant les objets de culte précieux. Le mur occidental de ce bâtiment donnait sur la galerie du cloître par 8 portes et fenêtres d'inégales dimensions en arc brisé et aux jambages ornés de colonnettes pour 6 d'entre elles, dont le style laisse supposer qu'elles ont pu être remaniées au siècle suivant. Le mur oriental, d'apparence très austère s'appuie sur quatre contreforts et ne comporte qu'une seule porte qui constituait l'accès au parloir pour les visiteurs extérieurs à la communauté. Des autres éléments du cloître, il ne reste que quelques traces au sol et l'on ne peut s'en faire une représentation, s'agissant notamment de la galerie et du jardin, pas plus qu'on ne peut d'ailleurs se représenter le portail de l'église.
Enfin, adossée à la sacristie, une enfilade de constructions très ruinées bien que restaurées au XVIIe siècle et mises en valeur dans les années 70 par les chantiers de jeunes du Club du Vieux Manoir, s'étire vers l'est. Situées en dehors de la clôture liturgique, elles comprenaient sans doute le logement de l'abbé commendataire, l'hébergement des visiteurs, l'infirmerie et des locaux utilitaires.
Mis à part les dates de construction de l'abbaye, on dispose de peu d'éléments sur son histoire qui n'apparaît qu'à travers les noms des différents abbés et prieurs l'ayant eu en charge, de comptes-rendus de procès l'ayant opposée à d'autres abbayes ou à d'autres autorités religieuses ou laïques et à la relation d'événements violents tels qu'une mutinerie de convers qui « rudoyèrent » leur abbé en 1247, une dispersion des moines vers d'autres abbayes en 1290, peut-être causée par une grave crise pécuniaire, et, en 1342, une attaque meurtrière par des brigands et gens d'armes avec la complicité de quelques moines qui se solda par la mort d'un sergent, l'abbé lui-même grièvement blessé, n'ayant eu la vie sauve que dans la fuite et grâce aux secours que lui apportèrent des habitants voisins. Les assaillants se livrèrent à un pillage en règle de l'abbaye qu'ils « squattèrent » durant plus d'une année, faisant des lieux une base pour leurs opérations de brigandage, et cette situation ne prit fin qu'à la suite d'une intervention ferme du pape d'Avignon Clément VI en décembre 1343 auprès de l'évêque de Périgueux. A cause de cet épisode, mais aussi de faits de guerre sporadiques qui touchaient la contrée, le déclin et la ruine financière et « physique » de l'abbaye s'accentuèrent au point que la papauté décréta l'octroi d'indulgences à quiconque contribuerait à sa restauration. Néanmoins, à partir du XVIe siècle Boschaud tomba sous le régime de la commende, c'est à dire sous l'autorité d'abbés n'étant pas obligatoirement de l'état religieux et qui n'étaient plus élus par leur communauté mais désignés par l'autorité royale ou religieuse, certains de ces abbés commendataires assumant de leur charge avec soin et dévouement, beaucoup plus ne la concevant que comme source de profits.
De ce fait, l'abbaye périclita encore plus et, lorsqu'elle devint bien national en 1790, son état de ruine était déjà bien avancé, tant par les effets des guerres, celles de religion n'étant pas les moindres, que par l'abandon qui précéda la Révolution et lui succéda. Née d'un simple ermitage et bien que modeste par ses dimensions et le nombre des membres de la communauté, l'abbaye de Boschaud connut rapidement une grande renommée et une importante richesse matérielle grâce aux biens dont elle bénéficia tout d'abord de la part de l'abbaye de Peyrouse (ou de la Peyrouse), fondée par Saint Bernard de Clairvaux à Saint-Saud-Lacoussière (Dordogne) et par les dons en terres et en argent reçus de nombreuses seigneuries périgourdines qui firent que ses possessions s'étendaient jusqu'au diocèse d'Agen, la présence de la relique du saint martyr anonyme étant un puissant générateur d'oboles de pèlerins et de libéralités de donateurs de haut rang. Mais, comme on l'a vu, guerres, rivalités, ambitions, goût du lucre, cours de l'Histoire et oubli ont peu à peu fait cesser cet état de grâce et cet âge d'or et l'abbaye de Boschaud aurait pu disparaître totalement à l'instar de beaucoup de ses consœurs si l’État n'en avait pas classé les ruines parmi les Monuments historiques en 1950 puis n'avait pas procédé à leur acquisition en 1967, avant de les céder à la commune de Villars en 2007. Lieu de visite ouvert gratuitement au public, le site est également le siège de manifestations culturelles dont font partie les concerts organisés dans l'église abbatiale par l'association FestiVillars en Périgord Vert.
(1) ou des Châteliers, à ne pas confondre avec l'abbaye homonyme située à La Flotte en Ré.